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La Macédoine, une démocratie en danger

A voice of desperation originally published in http://www.lalibre.be



Balkans
La Macédoine, une démocratie en danger
Mis en ligne le 01/07/2010


La Grèce continue fermement à bloquer toute candidature de la Macédoine tant que la dispute sur le nom qui oppose les deux pays ne sera pas résolue. Une opinion de Tanja Milevska de la TV macédonienne

Van 
Gijsel
Van Gijsel
La présidence belge de l’UE a commencé et malgré la tempête politique, s’il y a une chose à laquelle la Belgique a toujours été dévouée, c’est bien l’Europe.
Le Premier Ministre sortant, Yves Leterme, l’a confirmé, l’élargissement restera une priorité européenne sous présidence belge. Mais pour nous qui suivons de près ce dossier, il est très clair qu’une fois encore, il sera réduit surtout à des paroles d’encouragement pour les pays des Balkans occidentaux à continuer le processus de réformes visant à les rapprocher des standards européens, et encore une fois il sera répété que la destination finale de ces pays est au sein de l’Union.
Loin de moi l’idée de remettre en question les bénéfices du processus de réformes européennes dans les pays de la région. Au contraire, malgré les crises successives, je crois encore fermement à l’attraction positive de l’UE, à son "soft power" et au bien-fondé de ses valeurs.
A peine la crise institutionnelle européenne s’était-elle terminée avec l’adoption du Traité de Lisbonne fin 2009, les pays des Balkans reprenaient espoir que l’UE leur accorderait enfin l’attention escomptée, voilà que l’Europe retombe dans un nouveau tourbillon, économique cette fois.
Pourtant, le président de la Commission européenne n’a pas hésité à rappeler il y a quelques semaines que le processus d’élargissement ne devait pas devenir la victime de la crise économique et financière qui secoue l’Europe.
Mais les mots sonnent creux aux oreilles des citoyens de la région des Balkans. En Macédoine tout particulièrement.
Le sommet de ce 17 juin aurait du être le sommet du début des négociations d’adhésion à l’UE pour la Macédoine. Il n’en fut rien. La Grèce continue fermement à bloquer tout progrès macédonien tant que la dispute sur le nom qui oppose nos deux pays ne sera pas résolue.
Je ne prétends pas ici entrer dans les détails de cette question bilatérale qui pèse depuis presque vingt ans maintenant sur les citoyens macédoniens.
Ce sur quoi je désire attirer votre attention est l’apparente indifférence européenne devant cette dispute, indifférence qui commence à avoir des répercussions catastrophiques sur l’état de la démocratie dans ce pays candidat à l’adhésion, rappelons-le, depuis 2005, entraînant ainsi la Macédoine dans un cercle vicieux qui l’éloigne chaque jour un peu plus du but européen.
Le populisme et le nationalisme font rage depuis 2008 (c’est-à-dire depuis le refus grec à l’entrée de la Macédoine à l’Otan à cause du problème du nom, alors que toutes les conditions d’adhésion étaient bel et bien remplies) dans ce petit pays de 2 millions d’habitants divisé sur pratiquement toutes les lignes, la moindre n’étant pas la ligne ethnique, ligne encore trop fragile depuis le conflit qui opposa la guérilla albanaise à l’Etat macédonien en 2001. Les démons de la guerre s’étaient calmés pourtant. Mais l’impatience refait surface dans le camp albanais. Les Albanais voudraient un changement du nom du pays au plus vite de manière à adhérer à l’Otan, la majorité macédonienne, elle, est prête à tourner le dos à l’Otan et à l’UE si le prix à payer est le nom justement .
L’élite intellectuelle du pays quant à elle, et ce toutes origines confondues, manifeste son mécontentement vis-à-vis la politique gouvernementale mais elle n’arrive pas à faire entendre sa voix, car le gouvernement du Premier Ministre Nikola Gruevski maîtrise à merveille la menace et l’intimidation.
Les figures libres, journalistes, essayistes, commentateurs et artistes qui pensent différemment sont non seulement catalogués comme "traîtres de la nation", mais depuis quelques semaines les proches du Premier Ministre ont même appelé à la "liquidation physique" de tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, osent critiquer le gouvernement.
La Fédération internationale des journalistes a réagi, même la Commission européenne a lancé un appel aux organes judiciaires macédoniens pour réagir à ces appels au meurtre. Rien n’y fait. La "mafia gouvernementale" fonctionne sans obstacles, le crime fleurit, la liberté d’expression a été enterrée plus d’une fois ces dernières années.
Pratiquement chaque manifestation citoyenne tourne à la violence, les "amis du gouvernement" sont lâchés à chaque fois qu’une protestation se prépare.
Ainsi au printemps dernier, ils ont passé à tabac des étudiants en architecture qui avaient "osé" manifester contre l’érection d’une statue d’Alexandre le Grand sur la place de Skopje. Les étudiants estimaient non seulement que la statue enlaidirait le centre de la ville, qu’elle coûterait trop cher en temps de crise économique, mais que, surtout, cela présenterait une provocation inutile envers le voisin du sud, et qu’à ce moment-ci, ce type de solution n’aide pas le pays à sortir du marasme. Ils ont senti la revanche des nationalistes sur leur peau. Depuis les étudiants se taisent, la plupart espèrent quitter le pays
Les libres-penseurs, les étudiants, les citoyens macédoniens devront se contenter du silence et espérer une aide extérieure qui tarde à venir.
Ces penseurs-là ce sont ceux qui partagent de tout leur cœur et de toute leur âme les valeurs européennes. Mais l’Europe ne semble pas les entendre, préoccupée par ses problèmes internes.
Que le problème du nom entre le Grèce et la Macédoine soit un problème ridicule, la majorité des citoyens européens en conviendront. La Grèce a d’autres chats à fouetter que de perdre son temps à empêcher la Macédoine de progresser. Et pourtant, elle le fait et personne ne semble y accorder plus d’importance que ça.
L’ennui, c’est que l’apathie des leaders européens devant la dispute qui oppose Skopje à Athènes mène la Macédoine droit à la tragédie. Faut-il qu’un nouveau conflit armé éclate dans les Balkans pour qu’on ne les oublie pas ? La Bosnie ne se porte pas bien et le Kosovo est loin d’être réglé. Et si les Balkans sont la poudrière de l’Europe, c’est bien la Macédoine qui est la poudrière des Balkans.
Pourtant, la Commission européenne et les représentants diplomatiques européens qui traitent des dossiers "Balkans" sont très conscients de la dégradation totale des droits de l’homme en Macédoine. Néanmoins, l’Europe semble avoir choisi une tactique discutable : ignorer le pays tant que le gouvernement macédonien n’aura pas compris qu’il DOIT résoudre le problème avec la Grèce. La tactique est selon moi inefficace et dangereuse. Elle ne fait que renforcer le sentiment anti-européen et le nationalisme primitif.
Si l’Europe a encore de l’ambition pour elle-même, elle ne devrait pas permettre qu’un de ses Etats membres, en l’occurrence la Grèce, use et abuse de sa position de force envers le pays que Chirac avait décrit en 2006 comme "un petit pays sympathique".
L’Europe doit au plus vite suivre la recommandation de la Commission européenne donnée en octobre 2009 et commencer les négociations d’adhésion avec la Macédoine. Seule une ouverture des négociations redonnera de la force aux forces pro-européennes en Macédoine et permettra de déjouer le populisme croissant.
Les journalistes, les activistes, les étudiants, les intellectuels vivent dans la peur. Ceci est indigne d’un pays européen.
Si la prochaine Anna Politkovskaya est macédonienne, le gouvernement de Mr Gruevski ne sera pas le seul à blâmer. Paris, Berlin, Londres, Bruxelles et surtout Athènes seront coupable pour non-assistance à démocratie en danger sur leur propre continent.
La Belgique a pris les rênes de l’UE. C’est le pays où j’ai grandi, c’est dans ses écoles et universités et que j’ai appris les valeurs fondamentales du libre-examen, de la liberté d’expression, des droits de l’homme et de la tolérance et j’en suis infiniment reconnaissante. Mais je ne supporterai pas que mon pays natal, la Macédoine, tombe aux mains des obscurantistes et nationalistes que mon pays d’adoption m’a appris à combattre de toutes mes forces.





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